C’est l’été.
Au bord d’une mer qui n’est pas une mer, juste un doigt d’océan pointé vers le nord. Des nuages voyagent dans le bleu. Le soleil remue à peine, comme un sourire blanc sur le corps allongé dans le gris de la serviette.
Amelle ne bouge pas plus que le soleil. Seule la brise de mer est en mouvement, et puis les vagues, qui grignotent le sable et abandonnent leurs algues défuntes.
Un matin d’été, de mer tranquille, de sable et de peau salée, suspendu dans un triangle parfait. Ciel – mer – sable. Trois grâces qui enserrent la jeune femme aux yeux clos, aux lèvres ouvertes sur un souffle.
La mer remue à peine. Amelle, pas du tout. Elle a nagé vers la bouée tricolore, comme tous les matins depuis deux semaines. Sur le sable le bonnet semble minuscule pour contenir l’opulente chevelure que le vent lui-même hésite à déranger.
Pas très loin, mais suffisamment pour qu’on parle de distance convenable, l’homme est assis sur la dune, près d’une touffe d’oyats, les yeux bien à l’abri dans l’obscurité des verres, comme tous les matins depuis qu’Amelle a commencé à se baigner. Avant, il ne se reposait que quelques minutes et poursuivait sa marche vers le phare, mais depuis ce bonnet blanc dansant sur la mer, Noël ne parvient plus à s’éloigner. Il a développé une addiction à un bonnet, à un maillot, à une femme qui se baigne…
Les mouettes tournent dans le ciel, piquent vers la mer puis remontent et se perdent du côté de la plage des galets, celle où les estivants s’alignent comme les sardines sur l’étal du « pêcheur bleu ». Rares sont ceux qui s’aventurent ici. Pas de chemin carrossable et une rude chevauchée sur des sentiers étroits et caillouteux qui découragent les aventuriers en tongs et bermudas. Et la voie verte le long de la plage est surtout fréquentée par des amoureux de la petite reine.
Noël vient chaque jour de l’intérieur par un sentier courant entre les haies et les buissons blancs. Églantiers, prunelliers, aubépines et ronces griffues. Toute une tribu grimaçante, qui mouline des bras et des doigts. Tire la langue, gare aux cheveux dans le vent. Mille accroches, mille piqûres innocentes, mille coups d’ongle acérés…