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Le Français, terre hospitalière - Joseph Boly

Le Français, terre hospitalière - Joseph Boly

19,00 €Prix

en coédition avec l'Association Charles Plisnier

 

Anthologie, 2012

224 pages
ISBN: 978-2-930333-53-3
19 EUR

Nombre d’écrivains de langues maternelles diverses ont choisi d’écrire en français. Quelle est la motivation de ce choix ? Comment perçoivent-ils la langue française ?
Joseph Boly analyse ces questions et leur apporte une réponse personnelle dans son avant-propos, avant de donner la parole à 67 écrivains qu’il estime particulièrement représentatifs en raison de leur parcours et de leur œuvre. D’Hector Bianciotti à Yasmina Khadra, de Maryse Condé à Naïm Kattan, de René Depestre à Atiq Rahimi, de Raymond Chasle à Gao Xing-jian, la langue française est une terre hospitalière, à condition de respecter et de mettre en valeur la diversité culturelle.
Dans les années 70, Joseph Boly a fondé C.E.C. (Coopération par l’Éducation et la Culture) qui poursuit son action encore aujourd’hui à la Maison de la Francité de Bruxelles. C’est dans ce cadre qu’il a commencé à rédiger à l’intention des professeurs des dossiers pédagogiques mettant en valeur, par une présentation et une analyse, le métissage et le dialogue des cultures, qui sont, avec les valeurs humanistes, les principaux atouts de la francophonie mondiale. Inscrit dans cette ligne et l’approfondissant, Le français, terre hospitalière est l’aboutissement d’une longue vie de recherches.

Pourquoi écrire en français ?
    
    Les situations et les motivations dans le choix d’une langue d’écriture sont extrêmement diverses. Presque toutes sont des cas particuliers où plusieurs raisons s’entremêlent. Si nous les séparons pour la clarté d’une introduction, c’est pour souligner un facteur déterminant, en ayant bien conscience qu’il n’a pas été seul à agir.

1. L’héritage colonial
    La cause d’origine la plus fréquente est certainement l’héritage qui se combine naturellement avec d’autres, comme le besoin de communication et de diffusion. Les écrivains originaires des colonies françaises confirment généralement le choix que la France leur avait imposé ou favorisé. Jean-Paul Sartre l’avait perçu dès 1948, dans la préface à la célèbre Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française de Léopold Sédar Senghor (…)

2. Le besoin de communication et de diffusion, lié aux conditions économiques, professionnelles et politiques
    Le besoin de communication se retrouve confusément chez la plupart des écrivains des anciens empires coloniaux, français et belges. La preuve globale, c’est que le phénomène de survivance linguistique n’a guère joué pour des langues moins répandues telles que le néerlandais en Indonésie et l’italien en Afrique.
    Par conditions économiques, professionnelles et politiques, il faut entendre le besoin de s’expatrier, soit pour trouver ailleurs (en France, en Belgique, en Suisse, au Luxembourg ou au Québec) des situations de vie moins misérables, soit pour répondre à des impératifs d’ordre professionnel qui obligent certaines familles à séjourner dans un pays francophone, soit parce que d’autres sont contraints de partir, dans le cas d’un exil politique, nécessaire ou souhaité.
  (…)

3. Les traditions culturelles et humanistes
    
    Certains pays étrangers se laissent séduire par le français au point d’entretenir une littérature continue d’expression française. Il s’agit, par exemple, de la Roumanie et de l’Égypte. La Flandre a eu sa grande époque au temps de Verhaeren, Maeterlinck et combien d’autres mais la tradition reste loin d’être tarie. Si en Grèce, en Espagne et en Italie, les écrivains français sont plus isolés, ils sont tellement nombreux en Russie qu’ils ont fini par envahir l’Académie française elle-même, en commençant par la secrétaire perpétuelle, Hélène Carrère d’Encausse.
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4. L’amour de la France et de la culture française
    
    Cette motivation est souvent présente, avec d’autres, chez les étrangers parce que l’image de marque de la nation française se confond fréquemment avec la culture. On le vérifie, par exemple, chez les écrivains d’Amérique latine (…)
        
5. L’amour de la Révolution et de la liberté
    
    Nombreux sont les pays qui ont revendiqué leur liberté, en chantant la Marseillaise ou un chant patriotique français, par exemple la Belgique et nombre de pays d’Amérique latine. La langue française passe pour la langue de la liberté, celle de la Révolution et des droits de l’homme.
(…)
             
6. Les circonstances historiques
    
    Les circonstances ou l’histoire ont joué sur certains en bouleversant totalement leur destinée. Il convient de citer Elie Wiesel, né en Transylvanie, rescapé des camps d’extermination, citoyen américain. Il parle quatre langues : yiddish, hébreu, français, anglais, mais il a choisi le français pour langue littéraire parce que c’est le français qui l’a réconcilié avec le monde et que c’est en français qu’il a lu ses maîtres : Kafka et Dostoïevski.
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7. Les qualités intrinsèques de la langue
    Cette préoccupation se retrouve chez la plupart des écrivains qui décident d’écrire en français, même s’ils ne l’avouent pas clairement.
    Les caractéristiques du français sont très diverses et elles peuvent varier subjectivement selon les origines du locuteur. On s’accorde volontiers pour dire que la langue française est pourvue d’une sonorité moyenne due notamment à la légèreté de l’accentuation française en fin de phrase et qu’elle se prête particulièrement à la conversation. Le jeu du e muet y est pour beaucoup, d’autant plus qu’il semble à peu près unique parmi les langues. Le français qui n’a pas renié la concision latine se présente davantage comme une langue analytique qui recourt à de nombreux petits mots de liaison et s’est donc fait une réputation d’analyse, de précision et de clarté. Son vocabulaire, sans cesse mis à l’épreuve des dictionnaires, va dans le même sens. Ne dit-on pas que le philosophe allemand Nietzsche se comprenait mieux dans les traductions françaises de sa propre langue.
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8. Préférence, vision nouvelle, dépaysement ou innovation artistique
    Pareille motivation concerne souvent les écrivains qui pratiquent plusieurs langues. Le meilleur exemple est peut-être l’irlandais Samuel Beckett, écrivain de langue anglaise, qui a trouvé sa voie en français dans le théâtre de l’absurde et en fut récompensé par le prix Nobel de littérature.
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    Le choix entre une ou plusieurs langues relève souvent d’une préférence qui peut se passer sans trop de heurt. Rainer Maria Rilke, le poète autrichien de renommée internationale n’a écrit qu’un seul recueil poétique en français. Ce fut pour le plaisir d’utiliser le mot « verger »
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9. Pôles d’attraction : Paris, Bruxelles, Montréal…
    On n’insistera jamais assez sur la force d’attraction des grandes villes francophones que sont Paris, Bruxelles, Montréal, voire Genève, Beyrouth, Alger, Dakar, Kinshasa et beaucoup d’autres.
    Ville de plus de deux millions d’habitants et de plus de dix millions dans son agglomération dont plus de quinze pour cent d’étrangers, Paris est de loin la capitale la plus visitée du monde, notamment par les congrès internationaux. Il y a un Paris russe et chinois, asiatique et africain, juif et mystique. Je cite au hasard : « Son rayonnement médiatique et culturel ne souffre aucune comparaison. Capitale mondiale de la haute couture, Paris se distingue dans tous les secteurs de la création. Ses monuments et ses musées en font la première métropole touristique (plus de vingt millions de touristes par an) et, selon l’expression de Montaigne, dès le XVIe siècle, l’un des plus beaux ornements du monde. »
    Bruxelles, de son côté, enclave francophone d’un million d’habitants dont beaucoup d’étrangers, est devenue aujourd’hui la capitale de l’Europe, particulièrement ouverte, comme son Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, aux écrivains venus de l’extérieur, ainsi qu’une ville attrayante par sa Grand-Place et l’îlot sacré, sa cathédrale Saint-Michel et le Sablon, son musée des Beaux-Arts, le parc de Laeken et l’Atomium.
    Que dire de Montréal (quatre millions d’habitants) qui vit en français dans une Nouvelle-France, pétulante et multiculturelle, côté cour (le Vieux-Montréal) et côté jardin (le Saint-Laurent, le Jardin botanique et le mont Royal) ?
    Combien d’écrivains étrangers n’ont-ils pas trouvé leur bonheur dans une de ces villes, comme cet Irakien de Bagdad, Naïm Kattan, devenu chef de service des Lettres et des Arts, au Canada (…)

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