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Le train des enfants - Yves Caldor

Le train des enfants - Yves Caldor

15,00 €Prix

Roman, 2015
136 pages
ISBN 978-2-9-8070-0041-4
(E-books:
PFD : 978-2-9-8070-0042-1
ePub : 978-2-9-8070-0043-8)
15,00 EUR
 

« Le train des enfants », roman autobiographique, est paru pour la première fois aux éditions Bernard Gilson en 2001 après un premier roman remarqué (« L’enfant de la Puszta », prix Alex Pasquier). La disparition de la maison d’édition ne lui permettra malheureusement pas d’obtenir la notoriété qu’il méritait. Il reparaît aujourd’hui dans une édition revue et augmentée
« L’exil, on le balade toujours au fond de soi. Quelquefois, nous croyons le lire dans les yeux des autres. Ce n’est pas toujours du racisme ou de la haine qu’on y peut déceler, mais une lueur indéfinissable, qui semble nous murmurer doucement : “Non, tu n’es pas d’ici ; tu as l’air gentil comme ça, et nous aussi nous voulons paraître gentils, polis ; on fait semblant de rien, mais dans le fond, même si nous t’acceptons, tu n’es pas d’ici.” »
« Je ne me définis pas comme immigré ; je suis d’ici et de tous mes là-bas. Une obsession : les racines “doubles”, les miennes, celles des autres ; comment parler de “ça” ? Comment écrire à propos de “ça” ? Est-ce donc si difficile ? Oui… j’essaie ; se définir, se redéfinir sans cesse ; toutes mes racines, mes strates ; que de stratagèmes pour n’en perdre aucune ! »


« Écrit dans un style qui évolue avec l’âge du narrateur, le livre […] évoque avec justesse et retenue le cheminement qui le mène à la découverte de lui-même […] Ses nombreuses références à l’Histoire, à Bruxelles, à une Hongrie désillusionnée et sceptique aux portes de l’Europe apportent au récit cette touche de vérité qui en assure le plaisir et la crédibilité. »
(M.V., La libre Belgique).

 

Lien de l'ebook

Tout cela, c’était avant.
Puis un jour, quelque chose s’est détraqué. Ils étaient chez des amis ; Nicolas-Miklós a entendu ses parents parler de quelque chose « qui avait fini par arriver comme on l’avait prédit », tout en montrant des avions qui volaient haut dans le ciel. La famille était vite rentrée à la maison.
Le lendemain, sur le boulevard Christina avec sa mère, Miklós-Nicolas avait ressenti une grande frayeur. Une sorte de grosse machine verte, genre tracteur à chenilles, munie d’un tube immense, s’était arrêtée juste devant lui dans un souffle rageur, et un homme avait surgi de la tourelle, l’air un peu inquiet. « Un Russe », avait laconiquement lâché Maman. Un peu plus loin, il avait dû réfréner une envie subite de vomir : un autre soldat gisait, tranquille, mais curieusement aplati devant un autre char ; « un Russe écrasé » avait commenté sa mère. Un autre jour, Papa était rentré tard, accompagné de son meilleur ami István, des bandages autour de la poitrine, ses vêtements tachés de sang. Maman semblait furieuse. « Pourquoi avoir été là-bas prendre une balle perdue avec ces écervelés ? Tu ne penses pas à nous, András ! » Cette fois-là, la frayeur de Miklós avait été plus forte encore.
Heureusement, certains soirs, Miklós pouvait s’amuser avec les autres enfants de l’immeuble, parce que tout le monde devait descendre à la cave. Ces soirs-là, insouciant des bombardements, que d’ailleurs il n’identifiait pas, il pouvait parler hongrois, car sa mère n’avait pas l’air dans son assiette. Même la guerre a ses bons côtés.
Mais ça n’a pas duré : ses parents n’étaient pas de cet avis et on a quitté Budapest. Le départ a été précipité et Miklós-Nicolas ne se souvient même pas d’avoir pleuré. Pourtant, il laissait beaucoup de choses derrière lui : pastilles au citron, bibelots-de-Mámika, jardin aux orties et aux ribizli de l’oncle Illés, hippopotame farceur, funiculaire et Train des Enfants de Grand-Père, les copains de la rue Karthauzi, le petit Maxim ; et Válika…

Papa est parti seul de son côté, Miklós-Nicolas ne se souvient pas comment. Lui, il voyage avec Maman, sur un bateau. Une fois ou deux, le capitaine lui a laissé la barre entre les mains. Et même sa casquette.
Puis on est arrivés à Vienne. Sa mère disait : « le monde libre ! » Mais auparavant, il avait aussi entendu des adultes discuter du « monde libre », à Budapest, juste après la mort du Monsieur moustachu – « Père des Peuples » – qu’on voyait sur certaines statues. (Le jour où ils avaient vu de très près la grosse machine verte, Miklós-Nicolas avait justement remarqué, gisant à terre, une statue du même Monsieur moustachu – « Père des Peuples ». Ils devront la réparer», avait-il pensé. « La tête de Staline s’est détachée du corps ! » avait observé Maman.)

 

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