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Les couleurs de la peur - Isabelle Fable

Les couleurs de la peur - Isabelle Fable

15,00 €Prix
Nouvelles, 2021

140 pages
15,00 EUR
978-2-8070-0283-8 (livre) – 978-2-8070-0284-5 (PDF) – 978-2-8070-0285-2 (EPUB)
 

De meublé en château, de grenier en cachot, d’Afrique en Italie, on voyage, pris, comme les personnages, entre passé et présent, rêve et réalité, bonheur et horreur, dans un tourbillon de peur de toutes les couleurs.
La vie, la mort, l’amour, le mystère, un doigt de folie, un soupçon de fantastique, un zeste de cruauté…
Dix nouvelles souvent tendues, parfois cruelles, où l’on frémit, doute et espère.

 

Lien de l'ebook

C’était l’été. La foire du Midi. Nous nous étions donné rendez-vous devant le Palais des Glaces. J’avais une demi-heure d’avance et je battais la semelle dans le tohu-bohu et les odeurs de frites. J’avisai l’antre d’une voyante extra-lucide. Je n’y croyais pas, bien sûr. On n’y croit jamais, mais on y va quand même.
Je soulevai le lourd rideau de velours mauve, et fus saisi par une odeur très… comment dire… orientale. Un parfum de musc et de Dieu sait quoi d’autre, qui m’étourdit. Elle trônait, la voyante, au milieu de ses voiles et miroirs cliquetants. Dès qu’elle me vit, ses yeux brillèrent, elle me tendit une main grassouillette pour m’inviter à m’asseoir, m’annonça les tarifs pour une petite et une grande voyance. Je choisis la petite, n’ayant que peu de temps à perdre et peu de sous à laisser. Elle soupesa ma main, la caressa de ses doigts frais et s’abîma dans la contemplation de ma paume. Je regrettais déjà cette lubie. J’aurais mieux fait de m’offrir une barbe à papa.
Elle me regarda droit dans les yeux :
– Méfiez-vous des miroirs, mon pigeon, roucoula-t-elle. Ils vont vous gober. Je vois trois bouches, trois bouches ovales, prêtes à vous avaler.
Quel tissu d’âneries ! Elle me pressait la main pour en exprimer toute la vérité, comme on presse une orange pour en avoir le jus. Je voulus la retirer, elle la retint et me gratta le milieu de la paume du bout de l’ongle, écartant une pellicule symbolique qui masquait la vérité. Ce geste me remit en mémoire celui que je faisais quand je grattais l’entrée d’une fourmilière pour exciter les fourmis et les amener à sortir, affolées, agressives. Cela dut marcher, car brusquement, les fourmis de la vérité apparurent aux yeux de la voyante.
– Je vois… Elles sont trois, trois sirènes à vos oreilles. Affreux destin !
Pour un peu, elle m’aurait fait peur. J’avalai ma salive et demandai :
– Que dois-je faire ?
– À vous de voir, mon pigeon. À vous de voir. Ça vous plaira peut-être.

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