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Portrait de Balthazar - Jasna Samic

Portrait de Balthazar - Jasna Samic

18,00 €Prix

"Portrait de Balthazar" a obtenu le Prix Gauchez-Philippot 2014

 

Roman, 2012

Couverture : David Ciep
208 pages.
ISBN: 978-2-930333-48-9
18 EUR
 

Dans le Sarajevo déboussolé d’après-siège, un avocat s’occupe d’une peintre locale expatriée à Paris durant la guerre, qui voudrait à la fois récupérer son appartement et publier des souvenirs qu’une soif inextinguible de liberté a rendus sulfureux. Celle-ci, de retour dans sa ville, tombe passionnément amoureuse d’un “Jeune homme” qui lui rappelle le “Portrait de Baldassare Castiglione” de Raphaël, un tableau qui l’a fascinée toute sa vie.
Dans sa ville natale qu’elle ne reconnaît plus, “où les habitants ne se différencient plus qu’entre mafieux et non mafieux”, elle découvre à travers cette liaison tourmentée la montée du fanatisme religieux, tout en prenant conscience de la vie oisive que mène une certaine classe mondaine dans sa cité d’adoption.

Le 5 avril 1992, les premiers obus tirés par l'armée et les paramilitaires serbes tombaient sur Sarajevo. Durant près de 4 ans, la ville martyre allait être ravagée, prise dans l’étau du plus long siège de l’Histoire contemporaine, subissant une guerre moyenâgeuse menée avec les armes d’aujourd’hui. Les opinions publiques internationales seraient bouleversées, mais, jusqu’aux derniers jours, les responsables politiques se cantonneraient dans une stricte neutralité entre les agresseurs et les victimes.
Vingt ans plus tard, si les traces physiques de ce désastre se sont peu à peu effacées, les séquelles psychologiques, sociologiques, économiques et politiques sont toujours bien présentes.
Parmi les plus inquiétantes figurent les tentatives d’activistes islamistes, notamment salafistes, de s’implanter en Bosnie-Herzégovine. Financés de l’étranger, ces groupes mettent à profit la situation difficile de la population pour chercher à constituer en Bosnie un sanctuaire qui serait également une tête de pont idéale vers le reste de l’Europe.
 

*


À l’heure où l’intégrisme violent fait de plus en plus de ravages, le nouveau roman de Jasna Samic donne un éclairage précieux sur la problématique que l’islamisme radical pose dans un pays européen où il tente de s'établir un sanctuaire.

Un roman écrit par une fine connaisseuse de l’islam bosniaque, qui nous met en garde contre les velléités de certains groupes islamistes violents de s’implanter en Bosnie-Herzégovine à la faveur de la situation économique difficile, de la confusion politique et de la corruption qui gangrène le pays.
Une lecture passionnante qui permet de percevoir l’écartèlement de notre époque entre deux conceptions incompatibles du monde, l’une laxiste et l’autre ultrarigide, forcées de vivre côte à côte en se haïssant et se combattant.

 

Lien de l'ebook

Haris Papo alluma une cigarette et jeta un coup d’œil par la fenêtre. Un petit homme massif, à la barbe longue et clairsemée, calotte sur la tête, tirait par la main « son esclave », une femme drapée d’un tissu noir sous lequel apparaissaient des socquettes blanches. Il leva son regard. Une mosquée en construction se dressait sous ses yeux.
– Manquait plus que celle-ci ! grommela-t-il. Des mosquées, des banques et le chômage poussent comme les champignons après la pluie !
À chaque pas, en effet, on butait contre tout cela dans la ville encore à moitié détruite. Ces banques aux coupoles dorées, tapissées de marbre, flanquaient des ruines, vestiges de la guerre, et à ces banques en marbre comme à ces ruines s’adossaient des mendiants, les « nouveaux pauvres » du jargon à la mode. Dans ce luxe de parvenus contrastant avec ces demeures lézardées, parfois sans fenêtres ni toit, pareilles à des cavernes ouvertes, Haris Papo voyait un avertissement : rien n’était vraiment fini, le conflit pouvait reprendre d’une minute à l’autre.

 

*


– Tu ne deviendras jamais un grand artiste.
– Je n’ambitionne pas de devenir un grand artiste. En ce qui concerne le monde d’ici-bas, ma mission est accomplie depuis longtemps. Les peintures que tu as vues à l’exposition sont mes premières et dernières œuvres relatives à ce bas monde. À ce moment-là, j’hésitais encore entre la prétendue modernité et l’islam. J’ai choisi l’islam. C’est ma place, fût-elle provisoire. Et l’islam n’est pas compatible avec l’Occident pourri.
– J’ai l’impression d’entendre à la fois un orientaliste français et un Tchetnik, les deux pensant que l’islam n’est pas compatible avec l’Occident !
– Je ne désire que disparaître ! J’aimerais mourir soudainement. Et surtout, que ma mort serve à une vraie cause ! Par exemple pour les Palest…
– Au lieu de te suicider, aime-moi ! Comment peux-tu résister ? J’ai tellement envie de toi que mon corps est une plaie.
– Je me sens plus fort ainsi. Il faut vaincre ses bas instincts. Nous ne sommes pas des animaux.
– Il n’y a que l’être humain qui désire de la sorte. Du moins certains humains !…
Son visage se défait, il redevient absent.
– Comment de telles pensées sont-elles possibles à notre époque ? On te croirait sorti tout droit du Moyen Âge. Tu dois venir d’une minuscule bourgade. Plus le bled est petit, plus Dieu y est grand. Et dans le désert, Dieu devient céleste. Viendrais-tu d’un désert ?
– Ne plaisante pas !
– Crois-tu vraiment que la façon dont les Arabes se comportent envers les femmes est celle qui convient ? les maintenir derrière une grille ?
– Bien sûr, derrière une grille, et un voile !
– Ces femmes couvertes sont de pures exhibitionnistes. Elles veulent être remarquées. Nues, personne ne les verrait, ou on détournerait le regard de la plupart.
– C’est méprisable, de souiller ainsi le niqab et la burqa.
– Même en France, les femmes qui portent le voile intégral se plaignent de ne pas être comprises : pour elles, dans les pays démocratiques, on devrait être libre de s’habiller comme on veut ! Mais si elles ne se gênent pas de se masquer devant tout le monde, je ne me gênerai pas, moi non plus, de donner toute nue ma conférence sur la peinture orientale aux élèves d’un lycée. Si on va au bout de leur raisonnement, dans les démocraties, tout le monde devrait être traité sur un pied d’égalité : à la fois libre d’être habillé ou nu en public ! Il est temps que la femme prenne les rênes sur cette fichue planète. Elle devrait enfermer l’homme derrière des grilles, s’établir un harem et se choisir chaque jour un nouvel amant, jusqu’à en mourir de plaisir. Ce serait très distrayant.
– Lis les livres sacrés si tu veux comprendre ce qu’est la femme. Même si tu étais esclave, je ne pourrais pas t’aimer. J’aurais trop de remords.
– Aurais-tu des remords si tu me tuais ?
– Non.
– Qu’attends-tu, pourquoi ne le fais-tu pas ?
Les mains du Jeune homme se posent autour de son cou. Elle le défie du regard. Il serre, de plus en plus, sans que disparaisse la douceur de ses yeux.
Soudain, il part d’un rire dément. Son visage se défait de nouveau, ses yeux brillent d’une véhémence venue de l’au-delà.

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