À la Renaissance, la médecine s’inspire des écrits de l’Antiquité qu’elle retrouve. Elle ne dépasse pas Galien et explique tout par les humeurs et les tempéraments. Pour traiter, c’est Contraria Contrariis curantur. Elle reste aux raisonnements scolastiques de comparaison et de dialectique aristotélicienne qui utilisent des syllogismes simples. Néanmoins, elle utilise davantage l’observation pour lutter contre le dogmatisme, elle tient compte des propriétés du sang des saignées (couleur, odeur, coagulabilité…) et s’intéresse à la salive et à l’urine. L’émancipation de la médecine commence avec l’anatomie, car pour aller plus loin et comprendre le fonctionnement du corps, les notions et les bases de l’expérimentation manquent. Pour situer sur quoi se fonde la médecine de Vésale, il est important d’expliquer quel enseignement recevait le médecin et ainsi de mettre en valeur et comprendre sa démarche et le côté révolutionnaire de sa pensée et de sa pratique.
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Comme neuf autres générations de sa famille, Charles Quint présente du prognathisme, une affection héréditaire, transmise sur un mode autosomique dominant, le sexe masculin étant plus sévèrement atteint et lui-même encore davantage. Le professeur R. Mayer (stomatologue) remarque que ses portraits le montrent avec une lèvre inférieure pendante, un nez élargi, une arête nasale fine et proéminente, une hypoplasie du maxillaire, un aplatissement des joues et une légère éversion des paupières inférieures. Même si sa longue barbe lui sert à masquer sa mâchoire, la prognathie lui donne un aspect brutal et puissant.
Déjà à l’âge de 17 ans, il est décrit avec un visage long et maigre, laissant la bouche ouverte, la lèvre inférieure toujours pendante, mais il a la figure décorative, gracieuse et majestueuse.
En 1521, l’Ambassadeur vénitien Gasparo Contarini décrit également son physique : « Aucune partie du corps n’était à critiquer en lui si ce n’est le menton et bien plus, la mâchoire inférieure qui était si large et si longue qu’elle ne paraissait l’espace d’une grosseur d’une dent. Aussi en parlant et surtout en achevant son discours il y avait quelques paroles qu’il balbutiait et que souvent on n’entendait pas naturelle mais postiche d’où il résultait que lorsqu’il fermait la bouche, il ne pouvait joindre les dents d’en bas avec celles d’en haut mais il restait entre elles pas très bien. » 1
Le professeur R. Mayer rappelle aussi que, dans la famille des Habsbourg, vingt-cinq membres sont atteints de prognathie mandibulaire, comme son père Philippe le Beau, son grand-père Maximilien Ier, leurs petits-enfants, sa tante Marguerite d’Autriche, son fils Philippe II… Ce qui peut s’expliquer par les nombreux mariages consanguins (9 sur 5 générations).
Sa longue mâchoire a dû entraîner des problèmes dentaires, des difficultés pour parler et se nourrir. On a également dit qu’il aurait perdu ses dents lors d’un accident de la route en Allemagne en 1550 et que, depuis, il lui était presque impossible de mastiquer la nourriture. Une autre explication serait le vif argent riche en mercure utilisé contre la vérole, qu’on lui aurait administré par la bouche, sous la forme de fumigations et de frictions, et qui entraînait des chutes de dents, des gingivites, et une haleine fétide.