Apprenant que j’avais obtenu un permis de séjour illimité en Belgique – après une demande d’asile qui avait traîné sept ans avec des péripéties rocambolesques – pour échapper à la persécution des homosexuels au Cameroun, il [le responsable des éditions M.E.O.] m’a engagé à écrire un témoignage pour contribuer à modifier le regard jeté par la majorité de la société camerounaise sur l’homosexualité, ainsi que les préjugés qui y ont cours sur les danseurs. Un regard qui se matérialise par une loi condamnant les homosexuels à l’emprisonnement. Mon récit de vie pouvait donner à voir un être humain, certes homosexuel, mais en même temps chanteur, danseur, chorégraphe et pédagogue reconnu, mêlant modernité, tradition africaine et classicisme, de surcroît bouddhiste, Belge d’origine camerounaise, intégré dans divers milieux, engagé dans la promotion sociale d’enfants défavorisés, représentant son pays d’accueil dans le cadre de projets de coopération artistique avec l’Afrique, affectivement stable… Donc, pas une horreur, pas un monstre. Simplement, une personne née au mauvais endroit, au mauvais moment, et dans le mauvais corps. Au nom de quel droit, quelle morale, quels principes le « condamner » à partir d’une facette de sa personnalité, multiple comme l’est celle de n’importe quel humain ? Une facette qui ne nuit à personne, que de surcroît il n’a pas choisie, qui est protégée par la Déclaration universelle des droits de l’homme dont le Cameroun est signataire : « Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée […] Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ». (Article 12) […]
Par paliers de réflexion, j’ai pris conscience que ce livre devait combattre surtout les préjugés qui provoquent le rejet, de quelque nature qu’ils soient […] Il y est certes toujours question du récit d’une vie particulière, mais ce récit doit s’ouvrir à quelque chose de plus vaste, ce qui d’ailleurs est en adéquation avec mon chemin de vie. […] Le droit à la liberté d’être homosexuel reste au cœur de l’ouvrage, mais il s’inscrit dans un combat bien plus vaste pour les droits de toutes les minorités, une lutte contre toutes les formes d’injustice et d’oppression.